mardi 17 novembre 2009

Faut-il fermer l'entrée des urgences ou pourquoi ne pas ceder à "c'est la faute de ceux qui viennent pour rien" ?

En fait, c'est enfoncer une porte ouverte de dire qu'il n'existe pas une seule cause à la surcharge des urgences.
Comme l'a décrit Asplin et coll en 2003 dans Annals of Emergency Medicine en publiant un schéma des urgences, il existe 3 compartiments : les entrées, le service d'urgences ainsi que les services ancillaires (examens complémentaires, avis, procédures de diagnostic, procédures de soins) ainsi que la sortie. A chacun des points, il peut se produire un goulot d'étranglement.
Plusieurs méthodes ont été tentées pour réduire les entrées, certains pays ont mis en place des procédures d'appels et de régulation; En France, on peut ainsi appeler le 15 qui régulera l'appel, en adressant éventuellement aux urgences en l'absence d'autre solution (urgences vitales exclues). Toutefois, l'expérience montre que cela reste très difficile et qu'il est impossible de refuser les patients qui se présentent à la porte de l'hôpital.
La plupart des patients qui se présentent aux urgences, même ceux dont la gravité est cotée la plus faible, ont une urgence ressentie. Certes, il y a toujours celui qui vient à 5h du matin en sortant de boite ou celui qui a un problème depuis des années mais ces cas sont anecdotiques. Il ne faut pas oublier que ce sont ces patients qui vont attendre le plus longtemps avant de voir un médecin. Or pour qui a fait cette expérience, c'est une épreuve. Les urgences répondent donc à un besoin qui n'est pas pourvu.
De l'avis de certains, il faudrait les refouler vers leur médecin traitant ou vers des maisons médicales de gardes, voir les reconvoquer ultérieurement. Le premier obstacle est de savoir qui va refouler ces patients et qui va en prendre la responsabilité. Il apparait difficile de faire partir ces patients sans avis médical, et il est difficile de donner un avis sans interroger ni examiner au moins succinctement le patient. Et qu'est-ce qu'interroger et examiner un patient sinon donner une consultation ?
Un autre obstacle dans ces procédures réside dans les structures d'accueil de ces patients. Qui va accueillir ceux qui auront été jugés comme ne relevant pas des urgences. Sans parler des problèmes de couverture sociale, il apparait hasardeux de les renvoyer vers les médecins généralistes à l'heure ou leur nombre décroit et où c'est parce qu'ils n'ont pas eu de rendez-vous que certains de ces patients se présentent aux urgences. La maison médicale de garde pourrait sembler une bonne alternative. Toutefois, comme l'a montré le rapport de la cour des comptes, leur fonctionnement est hétérogène avec souvent des consultations non remplies.  Non pas qu'elles ne rendent pas services aux communautés qu'elles utilisent, mais leur impact sur les durées d'attente aux urgences est très faible voir inexistant dans les publications.Par ailleurs, elles ont un coût de fonctionnement qu'il faudrait comparer au coût d'un médecin dédié supplémentaire dans les urgences. Certains ont crée un filière au sein des urgences pour prendre en charge ces patients relevant de la consultation de ville. Elles sont nommées en anglais Fast Track(à ne pas confondre avec un matériel de trachéotomie du même nom) ou Urgent Care. Elles ont également un coût car au delà du caractère de la consultation, généralement cotée en Médecine générale, avec les suppléments pour la nuit et/ou le WE, ces patients rentrent également dans le calcul des financements complémentaires qui vont bénéficier aux urgences et dont je ne suis pas un spécialiste ( voir ce lien http://www.em-consulte.com/article/174423 ).
Par ailleurs, le problème des patients les moins graves n'est pas le problème le plus important des urgences, plusieurs études ayant montré que leur impact sur les temps d'attente de l'ensemble des patients est minime.
En conclusion de ce billet, on voit que le problème du contrôle ("gate keeping") à l'entrée des urgences est difficile et qu'il réside peut être dans une réforme de ce qu'il y a en amont. A l'heure actuelle, il n'est pas raisonnable de l'envisager. Politiquement , c'est une question difficile. En effet, dès qu'on parle d'encombrement des urgences elle focalise et enflamme les esprits . C'est une simplification facile à brandir par les différents intervenants, il y a un bouc émissaire, le mauvais patient incivique, et elle ramène à la question des moyens et non de l'organisation bien plus difficile à régler.

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